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Henry « Box » Brown : Dieu est mon maître

22/06/2010

« Je pensais vraiment que mon vieux maître était le Seigneur tout-puissant et que son fils, mon jeune maître, était Jésus-Christ.

Cette croyance venait en partie de ce que lorsque le tonnerre allait retentir, mon vieux maître s’approchait de nous, si nous étions dans la cour, et nous disait : « Que tous les enfants se réfugient dans la maison tout de suite car il va tonner » ; l’ondée passée, nous ressortions et il s’approchait en souriant et disait : « Quelle belle ondée !» puis, nous invitant à regarder les fleurs du jardin: « Comme les fleurs sont belles maintenant ». Nous pensions que c’était lui qui tonnait et qui faisait pleuvoir ; ce n’est qu’à l’âge de huit ans que je me suis débarrassé de cette superstition enfantine. Notre maître était d’une bonté peu commune et la noblesse de son allure nous le faisait prendre pour un dieu ; il est d’ailleurs probable que notre révérence ne lui déplaisait pas. Tous les esclaves appelaient son fils « Notre Sauveur » et voici comment je fus éclairé sur ce point. Un jour, au retour de l’église, ma mère parlait à mon père d’une femme qui désirait fréquenter l’église. Celle-ci avait affirmé au prédicateur qu’un esclave surnommé « Jean-Baptiste » l’avait baptisée. Lorsque le pasteur lui avait demandé si elle croyait que « Notre Seigneur était venu dans le monde et qu’il était mort pour les péchés des hommes », elle avait répondu qu’elle savait qu’il « était venu dans le monde » mais qu’elle « ignorait qu’il était mort car elle habitait si loin de la route qu’elle ne savait pas grand-chose de ce qui se passait dans le monde ». Je demandai à ma mère si notre jeune maître était mort. Elle me répondit que ce n’était pas de lui qu’on parlait mais de « notre Sauveur dans les cieux ». Je lui demandai donc s’il y avait deux Sauveurs et elle me dit que le jeune maître n’était pas « Notre Sauveur ». J’étais stupéfait et déconcerté. Peu après, ma sœur se préoccupa de convertir son âme et, comme de nombreux esclaves qui croient que la conversion l’exige, elle se rasa la tête. Ma mère réprouvait son geste ; elle lui parla de Dieu qui demeure dans les cieux et lui dit qu’elle devait lui demander en prière de la convertir. Ma perplexité augmenta et je lui demandai si notre vieux maître n’était pas Dieu ; elle me détrompa et entreprit de m’instruire un peu sur le Dieu qui habite au ciel. C’est depuis ce moment-là que je crois qu’il existe un Dieu qui gouverne le monde alors qu’auparavant j’ignorais tout d’une telle créature. Et pourquoi ma méprise enfantine ne serait-elle pas juste, vu les leçons blasphématoires que dispense le système païen de l’esclavage ? Chaque propriétaire d’esclave n’exerce-t-il pas un contrôle exclusif sur toutes les actions de ses malheureuses victimes ? Assurément si, comme le prouve cet extrait des lois d’un État esclavagiste : « Un esclave dépend du pouvoir de son maître, auquel il appartient. Un esclave doit à son maître et à sa famille un respect sans limite et une obéissance absolue. » Comment cela cadre-t-il avec la loi éternelle de Jéhovah « Tu n’auras pas d’autre dieu que moi » ? Le système esclavagiste n’empêche-t-il pas le cœur de l’esclave d’accéder à une connaissance vraie du Dieu éternel et ne le condamne-t-il pas à chercher son chemin à tâtons, dans les ténèbres épaisses du paganisme obscur, alors qu’il vit sur une terre qui fait profession de religion et qui prétend délivrer complètement les esprits de toutes les superstitions païennes ? »

Henry Box Brown, Narrative of the Life of Henry Box Brown, Who Escaped from Slavery, Enclosed in a Box 3 Feet Long and 2 Wide. Written from a Statement of Facts Made by Himself. With Remarks Upon the Remedy for Slavery by Charles Stearns, Boston, Brown and Stearns, 1849, p. 16-18. Trad. française Hélène Tronc. Tous droits réservés.

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