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William Grimes : La peau balafrée d’un esclave comme reliure pour la constitution américaine

« J’espère que certains achèteront mon livre par charité, mais je ne suis pas un mendiant. Je suis désormais dans la misère la plus totale ; j’ignore où et comment je vais vivre ; j’ignore où et quand je vais mourir ; j’espère seulement être prêt. Si mon dos n’était pas aussi balafré après les coups de fouet infligés en esclavage, je léguerais par testament ma peau au gouvernement afin qu’elle soit prélevée et transformée en parchemin pour relier la Constitution de la glorieuse, heureuse et libre Amérique. Que la peau d’un esclave américain serve de reliure à la charte de la Liberté américaine. »

William Grimes, Life of William Grimes, the Runaway Slave. Written by Himself, New York, 1825, p. 68. Trad. fr. Hélène Tronc.

Solomon Northup : Le mot « liberté »

« Certains pensent à tort que l’esclave ne comprend ni le mot ni l’idée de liberté. Pourtant, même à Bayou Bœuf où l’esclavage se rencontre selon moi sous sa forme la plus abjecte et cruelle – où on lui voit des traits inconnus dans les Etats situés plus au nord – les esclaves les plus ignorants comprennent en général parfaitement son sens. Ils n’ignorent pas les privilèges et les exemptions qui l’accompagnent. Ils savent qu’elle leur permettrait de conserver le fruit de leur labeur et leur garantirait la jouissance du bonheur domestique. Ils ne manquent pas de remarquer l’écart entre leur propre condition et celle du plus cruel des Blancs, ni de mesurer l’injustice de lois qui confèrent à ce dernier le pouvoir non seulement de s’approprier les profits de leur travail mais aussi de leur infliger sans raison des châtiments qu’ils ne méritent pas, sans qu’ils disposent du moindre recours ni du droit de résister ou de protester. Lire la suite…

Solomon Northup : Travail dominical

« Il est de coutume en Louisiane, comme je suppose dans les autres États esclavagistes, d’autoriser les esclaves à conserver tout salaire obtenu pour un travail accompli le dimanche. C’est leur unique moyen de s’offrir des articles de luxe ou de simple nécessité. Lorsqu’un esclave, acheté dans le Sud ou kidnappé dans le Nord, est amené dans une cabane de Bayou Bœuf, on ne lui donne ni couteau, ni fourchette, ni vaisselle, ni bouilloire, ni pots, ni meubles d’aucune sorte. Il reçoit une couverture avant son arrivée et, une fois qu’il s’en est enveloppé, il a le choix entre dormir debout et s’allonger à même le sol ou sur une planche, si toutefois elle n’est d’aucun usage à son maître. Il est entièrement libre de ramasser une coloquinte pour y conserver ses repas, ou de manger son maïs directement sur l’épi, selon son bon plaisir. S’il osait demander à son maître un couteau, une casserole ou un ustensile quelconque, il se ferait frapper ou rire au nez. Lire la suite…

Lunsford Lane : Actes de vente de ma femme et de mes enfants

« Je suppose que ceux de mes lecteurs qui n’ont pas l’habitude de faire commerce d’êtres humains seront curieux de voir les actes de vente qui m’ont permis d’entrer en possession de ma propre femme et de mes propres enfants*. Ces deux actes ont été rédigés de la main de M. Smith. Voici le premier, pour ma fille Laura :

Sachez par les présentes qu’en contrepartie de la somme de deux cent cinquante dollars, qui m’a été versée en main propre, j’ai, ce jour, négocié et vendu, et que, par les présentes, je négocie, vends et transfère à Lunsford Lane, homme de couleur libre, une fille noire nommée Laura, âgée d’environ sept ans, et que, par les présentes, je justifie et défends que les droit et titre de ladite fille audit Lunsford et à ses héritiers sont libres des prétentions de quiconque.

En foi de quoi j’ai apposé ma signature et mon sceau au présent acte, à Raleigh, le 17 mai 1841.

B. B. SMITH, [sceau].

En présence de ROBT. W. Haywood.

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Harriet Jacobs : Préface de l’auteur

« Lecteur, sois assuré que ce récit n’est pas une fiction. Je sais que certaines de mes aventures peuvent sembler invraisemblables ; il s’agit pourtant de la stricte vérité. Je n’ai pas exagéré les maux de l’esclavage,  bien au contraire : mes descriptions restent très en deçà des faits. J’ai tu le nom des lieux et changé celui des personnes évoqués dans mon récit. Je n’avais aucune raison personnelle de les dissimuler mais j’ai estimé que ce serait faire preuve de bonté et considération envers autrui.

J’aimerais être plus qualifiée pour mener à bien ce travail mais j’espère que mes lecteurs excuseront les imperfections de mon récit au vu des circonstances. Je suis née et ai grandi en Esclavage ; j’ai passé vingt-sept ans dans un État esclavagiste. Lire la suite…

Charles Ball : Vente de deux femmes enceintes dans un convoi vers la Géorgie

« Tôt le matin, le maître nous appela et distribua à chacun des esclaves de la chaîne un gâteau de maïs et un petit morceau de lard. Pendant notre marche vers le sud, nous n’avions mangé que deux fois par jour, et jamais avant neuf heures du matin. Ce jour-là, il nous donna à manger de bonne heure pour, dit-il, nous souhaiter la bienvenue en Caroline du Sud. Il s’adressa ensuite à nous et expliqua que nous pouvions désormais abandonner tout espoir de retourner d’où nous venions car il nous serait impossible de retraverser la Caroline du Nord et la Virginie sans être repris et ramenés. Il nous conseilla donc de nous satisfaire de notre sort, d’autant que la Géorgie, notre destination, était une terre surpassant de loin toutes celles que nous avions traversées, où nous pourrions vivre dans l’abondance. Lire la suite…

John Brown : Le cas tragique de John Morgan, planteur et antiesclavagiste

« Avant de raconter la suite de mes aventures, je vais évoquer quelques faits qui aident à mieux comprendre le fonctionnement du système esclavagiste.

Je ne pense pas que le public sache vraiment ce qu’est l’esclavage. Il n’en mesure pas toute l’horreur et ignore qu’il affecte aussi bien les personnes libres que celles qui sont asservies. Aujourd’hui, la situation des blancs pauvres dans les États esclavagistes est pire qu’elle le sera jamais dans les États libres, parce que dans les premiers il est honteux de travailler, au point qu’un homme se refuse à cultiver ses propres champs par crainte d’être méprisé. Dans les cas fréquents où ces blancs démunis n’arrivent pas à gagner leur vie honnêtement, ils demandent aux esclaves des environs de voler leurs maîtres, pour leur fournir du maïs, des volailles et d’autres denrées – mais surtout du maïs. Les esclaves volent parce qu’ils sont mal nourris. Lire la suite…

Lunsford Lane : Parole d’évangile ?

« On ne m’avait jamais permis d’apprendre à lire mais j’avais le droit d’aller à l’église, où je reçus une instruction qui, je pense, me fut bénéfique. Il me semblait que l’Évangile m’avait transformé, si bien qu’après avoir obtenu de ma maîtresse une autorisation écrite (indispensable dans ces situations), j’avais été baptisé et reçu dans la communauté de l’Église baptiste. En matière religieuse, j’avais donc eu le droit d’exercer ma propre conscience, une faveur qui n’est pas accordée à tous les esclaves. Le pasteur nous répétait souvent, à moi et à d’autres, que Dieu avait fait preuve d’une immense bonté en nous amenant dans ce pays, loin de la ténébreuse et obscurantiste Afrique, et en nous donnant à entendre l’Évangile. Selon moi, Dieu accordait aussi la liberté sur terre mais les hommes l’avaient dérobée, sans son consentement. Lire la suite…

John Brown : Une alarme anti-évasion

« Pour m’empêcher de fuir à nouveau, Stevens m’accrocha des cloches et des cornes métalliques sur la tête. Cette punition n’a rien d’exceptionnel. J’ai vu de nombreux esclaves coiffés de la sorte. On leur attache autour du cou un collier de fer, muni d’une charnière à l’arrière, et de pattes et d’un cadenas à l’avant, sous le menton. Un second cercle est placé près du sommet de la tête. Les deux cercles sont fixés par trois tiges de fer. Celles-ci dépassent de trois pieds au-dessus de la tête, comme des cornes, et sont chacune surmontées d’une cloche. Les tiges métalliques et les cloches pèsent au moins douze à quatorze livres. Après avoir fixé cet ornement sur ma tête, Stevens me laissa partir et me dit que je pouvais désormais m’évader si l’envie m’en prenait.

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Solomon Northup : Chasse à l’homme dans les bayous de Louisiane

« En regardant vers l’amont du bayou, je vis Tibeats et deux autres hommes chevauchant à vive allure, suivis d’une meute de chiens. Il y en avait huit ou dix. Je les reconnus malgré la distance : ils appartenaient à la plantation voisine. Les chiens utilisés pour traquer les esclaves à Bayou Bœuf sont des limiers, mais d’une race bien plus sauvage que ceux qu’on trouve dans les États du Nord. Ils attaquent les noirs sur ordre de leur maître et s’accrochent à eux comme les bouledogues aux quadrupèdes. On entend souvent leurs aboiements retentir dans les marais. On se demande alors quand un fugitif va être rattrapé, de même que les chasseurs new-yorkais s’arrêtent pour écouter leurs chiens courant sur les collines, et annoncent à leur équipier où le renard sera capturé. Je ne connais aucun esclave qui ait réussi à s’échapper vivant de Bayou Bœuf. Lire la suite…

Ottobah Cugoano : Expédié aux Antilles

« Pendant plusieurs jours, notre terre natale resta en vue mais je ne pus trouver aucune personne de confiance pour transmettre des informations à Accasa, près d’Agimaque. Et lorsque nous finîmes par nous éloigner de la côte, la mort devint préférable à la vie ; nous élaborâmes un plan pour brûler et faire sauter le navire et périr tous dans les flammes mais nous fûmes trahis par l’une de nos compatriotes, qui coucha avec certains chefs du navire, ces sales marins crasseux ayant l’habitude de prendre des femmes africaines et de s’étendre sur elles, tandis que les hommes étaient enchaînés et enfermés dans des trous. Ce sont les femmes et les enfants qui devaient brûler le vaisseau, encouragés par les captifs gémissants. L’opération fut déjouée mais la découverte de notre plan donna lieu à une scène non moins cruelle et sanglante.

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Ottobah Cugoano: Vendu pour un pistolet, du tissu et du plomb

« Comme prévu, nous repartîmes le lendemain et marchâmes jusqu’à la nuit, en nous arrêtant pour dîner avant de dormir. Mon ravisseur avait un grand sac et de la poudre d’or, pour acheter des marchandises sur la côte et les transporter à Agimaque. Le lendemain, nous continuâmes de marcher et arrivâmes le soir dans une ville où je vis plusieurs blancs, ce qui me fit craindre d’être mangé, selon la croyance des enfants de l’intérieur du pays. Je passai une très mauvaise nuit ; le lendemain matin, je reçus de la nourriture et l’ordre de manger et de m’apprêter en vitesse car mon guide et ravisseur devait, comme il me l’avait annoncé, se rendre au fort en compagnie d’autres hommes pour acheter des marchandises. On m’ordonna de sortir.

Les horreurs que je vis et ressentis peu après sont indescriptibles ; Lire la suite…

Ottobah Cugoano : Kidnappé en Afrique

« J’ai été enlevé dans mon pays natal très jeune, en compagnie de dix-huit ou vingt autres garçons et filles, alors que nous jouions dans la campagne. Nous habitions à quelques journées de la côte. Nous fûmes kidnappés puis, après avoir été leurrés et forcés de marcher, conduits à une factorerie* et de là, selon les pratiques commerciales de l’époque, transportés à la Grenade. Il n’est peut-être pas inutile d’apporter quelques précisions, sur moi-même notamment, dans cette relation de ma captivité.

Je suis né dans la ville d’Agimaque**, sur la côte fanti ; mon père était proche du roi de cette partie du pays fanti et lorsque le vieux roi mourut, je demeurai dans sa maison avec sa famille. Lire la suite…

Lunsford Lane : Heures supplémentaires

« Lorsque je dus travailler, je découvris ce qui me différenciait des enfants blancs de mon maître. Ils se mirent à me donner des ordres à tout propos, encouragés par leurs parents. Je vis aussi qu’ils avaient appris à lire alors qu’il m’était interdit d’avoir un livre entre les mains. Avoir en sa possession un texte, manuscrit ou imprimé, était considéré comme un délit. En outre, je vivais avec la peur d’être vendu loin de ceux qui m’étaient chers et emmené dans le Sud profond. J’avais appris que ma condition d’esclave m’exposait à ce malheur suprême (pour nous) et j’en connaissais, dans des situations semblables à la mienne, qui avaient été vendus au loin. J’avais peu d’amis – d’autant plus chers qu’ils étaient rares – et les quitter pour toujours me semblait aussi douloureux que me faire arracher le cœur ; la possibilité d’être emmené dans le Sud profond m’effrayait infiniment plus que la mort. Lire la suite…

Moses Roper : Tortures en tout genre

«  Le lundi, je continuai de fuir en direction de Lancaster* et arrivai à trois miles de la ville cette nuit-là. Je me dirigeai vers la plantation de M. Crockett car je connaissais certains de ses esclaves et espérais obtenir à manger. Mais les chiens me flairèrent et se mirent à aboyer ; M. Crockett sortit de chez lui, me poursuivit avec son fusil et me rattrapa. Il me mit sur un cheval, ce qui me fit terriblement souffrir à cause du poids des chaînes que j’avais aux pieds. Nous atteignîmes la prison de Lancaster dans la nuit et j’y fus enfermé. Mon cachot jouxtait celui d’un homme qui allait être pendu. Je n’oublierai jamais ses cris et ses râles, tandis qu’il passait la nuit à implorer Dieu d’avoir pitié de lui. Lire la suite…

Henry Bibb : Le dimanche des esclaves

« En 1833, j’éprouvai de vives impressions religieuses et de nombreux esclaves des environs étaient très désireux d’apprendre à lire la Bible. Une mademoiselle Davis, une jeune fille blanche et pauvre, proposa de faire classe aux esclaves le dimanche, en dépit de l’opinion publique et de la loi. Elle se procura des livres et commença son enseignement ; mais le bruit se répandit vite parmi nos propriétaires qu’elle nous apprenait à lire. Cela suscita une grande émotion. Des patrouilles furent chargées de mettre fin à ces séances dès le dimanche suivant. Ils étaient déterminés à nous empêcher de créer une école du dimanche. S’agissant d’esclaves, une école biblique s’appelle une manœuvre incendiaire. Lire la suite…

Henry « Box » Brown : Mariage et esclavage

« Je vais répéter ce que beaucoup savent déjà : il ne peut exister de véritable mariage parmi les esclaves. Parler de mariage dans un tel système ! Un propriétaire de harem ou de maison close a autant intérêt à autoriser ses pensionnaires à se marier qu’un propriétaire d’esclaves du Sud. Le mariage, comme on le sait, est l’union volontaire et parfaite d’un homme et d’une femme, qui n’ont pas à s’en remettre à l’avis d’un tiers. Or l’esclavage rend cela impossible puisque dès qu’un esclave est autorisé à former l’union de son choix, le joug de l’esclavage se rompt. Un esclave n’a de femme qu’au gré de son maître, qui peut de surcroît impunément violer la chasteté de celle-ci. À mon humble avis, l’un des principaux motifs animant les esclavagistes et les incitant à ne pas desserrer leur étau est le contrôle absolu qu’ils exercent sur les femmes esclaves. Lire la suite…

Solomon Northup : Comment poster une lettre ?

« Mon grand dessein avait toujours été d’inventer un moyen de poster en secret une lettre adressée à des amis ou à des membres de ma famille dans le Nord. La difficulté de l’entreprise ne peut se comprendre que si l’on sait les bornes étroites qui m’étaient imposées. Tout d’abord, je n’avais ni plume, ni encre, ni papier à ma disposition. Ensuite, un esclave ne peut quitter sa plantation sans un laissez-passer et un postier n’acceptera jamais d’envoyer la lettre d’un esclave sans instructions écrites de son propriétaire. J’avais déjà passé neuf années en esclavage, sans cesser d’être vigilant et à l’affût, lorsque j’eus la chance de me procurer une feuille de papier. Un hiver, alors qu’Epps était parti à La Nouvelle-Orléans vendre son coton, la maîtresse m’envoya chercher plusieurs articles à Holmesville, dont du papier ministre. J’en dérobai une feuille et la cachai dans la cabane, sous la planche qui me servait de lit.

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Louis Hughes : Offert en cadeau de Noël

« Comme j’étais souvent malade – en fait, j’avais des frissons et de la fièvre depuis qu’il m’avait acheté – M. Reid décida de me vendre et, en octobre 1844, me ramena à Richmond et me laissa dans le bâtiment de l’Exchange, où l’on vendait les esclaves aux enchères. Les ventes se tenaient dans une grande salle ; les acheteurs intéressés s’asseyaient autour d’une grande estrade, où l’on faisait monter l’esclave mis en vente, à côté du commissaire priseur. Lorsque j’y montai, un certain M. McGee s’approcha, me tâta et me demanda ce que je savais faire. « Tu m’as l’air d’un bon nègre intelligent », me dit-il, « la Virginie a toujours produit de bons noirauds ». La Virginie était la mère de l’esclavage et beaucoup estimaient qu’on y trouvait les meilleurs esclaves. Si bien que lorsqu’il apprit que j’étais né et que j’avais grandi dans cet État, M. McGee parut satisfait. Lire la suite…

Frederick Douglass : Le piège des congés de Noël

« La période qui sépare Noël du Nouvel An est accordée aux esclaves comme congé ; nous n’avions donc pas à travailler, hormis nourrir et soigner le bétail. Ce temps nous appartenait, par la grâce de nos maîtres ; nous en usions et en abusions à peu près comme il nous plaisait. Ceux d’entre nous qui avaient une famille éloignée étaient généralement autorisés à passer la totalité des six jours en sa compagnie. Chacun occupait son temps différemment. Les plus rangés, sérieux, réfléchis et industrieux d’entre nous en profitaient pour fabriquer des balais de maïs, des nattes, des colliers pour les chevaux et des paniers ; d’autres chassaient les opossums, les lièvres et les ratons laveurs. Mais la très grande majorité s’adonnait à divers jeux et réjouissances : jeux de balle, lutte, courses à pieds, violon, danse, consommation de whisky. Cette dernière manière de passer le temps était de loin celle qui agréait le plus aux maîtres. Lire la suite…

Francis Fedric : Piété cruellement punie

« Mon grand-père et ma grand-mère avaient été kidnappés en Afrique et transportés jusqu’au Maryland, d’où on les avait conduits en Virginie. Ma grand-mère apprit de sa jeune maîtresse à répéter les prières et la liturgie de l’Église protestante. Elle était illettrée mais, malgré tous les obstacles, la religion comptait beaucoup pour elle et elle avait toujours à cœur de transmettre ce qu’elle avait appris à ses enfants et petits-enfants ainsi qu’à tout son entourage.

Ma grand-mère montrait qu’elle était mue en toute circonstance par d’authentiques principes chrétiens. Elle souhaitait m’enseigner les prières et la liturgie qu’elle avait apprises. Mais le comportement de mon maître me plongeait dans la plus grande confusion et me rendait indifférent à ces questions. Lire la suite…

William Wells Brown : Rêves de liberté brisés

« Alors que nous avancions vers une terre de liberté, tantôt mon cœur bondissait de joie, tantôt, à force de marcher sans cesse, je me sentais incapable d’aller plus loin. Mais la pensée de l’esclavage, avec ses fouets démocrates, ses chaînes républicaines, ses chiens de chasse évangéliques et ses esclavagistes religieux, tout cet attirail de la démocratie et de la religion américaines que je laissais derrière moi, ainsi que l’idée de la liberté qui m’attendait, tout cela m’encourageait à continuer, fortifiait mon cœur et me faisait oublier la fatigue et la faim. Lire la suite…

Solomon Northup : Commandeurs et surveillants

« Dans les grands domaines, qui emploient cinquante, cent, voire deux cents esclaves, un commandeur est jugé indispensable. Ces messieurs se rendent aux champs à cheval, tous sans exception d’après ce que je sais, armés de pistolets, d’un couteau de chasse et d’un fouet, et accompagnés de plusieurs chiens. Ainsi équipés, ils chevauchent derrière les esclaves, afin de pouvoir tous les surveiller. Les qualités requises pour être commandeur sont une absence de cœur, une brutalité et une cruauté totales. La tâche du commandeur est de produire d’abondantes récoltes, quelle que soit la souffrance imposée pour y parvenir. Lire la suite…

Lewis Garrard Clarke : Blancs ou noirs ?

« Comme il est courant chez les femmes qui possèdent des esclaves, Mme Barton paraissait me haïr et me maltraiter d’autant plus que le sang de son père coulait dans mes veines. Aucun esclave n’est traité aussi durement que celui qui a des liens de parenté avec une femme blanche voire est l’enfant de son mari : il semble qu’elle ne puisse jamais le haïr assez. Mes sœurs étaient aussi blanches et belles que les plus blanches et les plus belles demoiselles du Kentucky. Un jour, un jeune homme se présenta chez M. Campbell pour rendre visite à la sœur de Mme Banton. Lire la suite…

Henry « Box » Brown : Le devoir de témoigner

« Les dénonciations de l’esclavage sont déjà si nombreuses, et venant d’hommes bien plus aptes que moi à en peindre toute l’horreur, que l’on m’excuserait sans doute si je restais silencieux sur le sujet. Pourtant, malgré tout ce qu’on a pu écrire, dire ou faire, la voix de ma conscience me presse d’ajouter un nouveau témoignage et de dénoncer à mon tour la tache hideuse qui salit la condition morale, religieuse et culturelle de la république américaine Lire la suite…

Henry Watson : Esclave de jour et de nuit

« Mon maître était un homme marié. Je n’avais jamais vu sa femme car elle habitait chez sa mère, à soixante miles de la ville. Lorsqu’elle vivait avec lui en ville, elle avait découvert qu’il avait pris pour épouse l’une de ses esclaves ; elle l’avait quitté et s’était réfugiée chez sa mère. Il entreprenait ce voyage afin de la convaincre de revenir auprès de lui. Je l’accompagnais. Lire la suite…

Henry Bibb : Le chemin de fer clandestin

« Le bateau arriva vers neuf heures du matin à Cincinnati et j’attendis que presque tous les passagers aient débarqué ; puis j’entrepris de remonter la rue avec toute la grâce possible, comme si je n’étais pas en fuite, jusqu’à ce que j’aie parcouru une grande partie de Broadway. Je voulais gagner le Canada mais ne connaissant pas le chemin, je devais me renseigner avant de quitter la ville. J’avais peur d’interroger une personne blanche et ne voyais aucune personne de couleur à qui m’adresser. Heureusement pour moi, je tombai sur une bande de petits garçons qui jouaient dans la rue et, en leur posant des questions indirectes, je découvris la maison d’un homme de couleur. Lire la suite…

Frederick Douglass : Sans famille

« Je suis né à Tuckahoe, près de Hillsborough, à environ 12 miles d’Easton, dans le comté de Talbot, Maryland. Je ne connais pas exactement mon âge, n’ayant jamais vu de document authentique qui le mentionne. Dans leur grande majorité, les esclaves en savent aussi peu sur leur âge que les chevaux sur le leur et c’est le vœu de la plupart des maîtres de ma connaissance de maintenir leurs esclaves dans cette ignorance. Je ne me souviens pas avoir jamais rencontré d’esclave qui pût donner sa date de naissance. Il est rare qu’ils en citent une plus précise que le temps des semailles, le temps de la moisson, le temps des cerises, le printemps ou l’automne. Le manque d’information sur ma propre naissance me fut une source de malheur dès l’enfance. Les enfants blancs pouvaient dire leur âge. Je ne comprenais pas pourquoi ce privilège m’était refusé. Lire la suite…

Solomon Northup : Eh bien dansez maintenant !

« Durant les deux années qu’il passa sur la plantation du bayou Huff Power, Epps rentrait ivre de Holmesville au moins une fois tous les quinze jours. Les parties de chasse se terminaient invariablement par des orgies. Ces jours-là, il faisait du tapage et devenait à moitié fou. Il lui arrivait souvent de casser de la vaisselle, des chaises et tous les meubles qui lui tombaient sous la main. Une fois qu’il s’était diverti dans la maison, il se saisissait de son fouet et sortait dans la cour. Les esclaves devaient alors se montrer vigilants et très prudents. Le premier qui s’approchait sentait la brûlure de son fouet. Epps passait parfois des heures à les faire courir dans tous les sens et esquiver le fouet en se cachant derrière les cabanes. Lire la suite…

Mary Prince : Dans les salines des Caraïbes

« Mon nouveau maître était l’un des propriétaires des marais salants. Il recevait une somme d’argent pour chaque esclave qui travaillait sur ses terres, jeune ou vieux. Cette somme était prélevée sur les profits générés par les salines. On m’envoya aussitôt travailler dans l’eau salée avec les autres esclaves. Ce travail était entièrement nouveau pour moi. Je reçus un demi-tonneau et une pelle. Je devais rester debout immergée jusqu’aux genoux de quatre heures à neuf heures du matin. Nous recevions alors du maïs indien bouilli, qu’il nous fallait avaler le plus vite possible de crainte que la pluie n’arrive et ne fasse fondre le sel. Nous devions ensuite nous remettre à l’ouvrage et travailler pendant les heures les plus chaudes de la journée ; Lire la suite…

William Wells Brown : Assistant d’un marchand d’esclaves

« Nul ne peut imaginer ce que je ressentis en apprenant que j’avais été loué à un spéculateur négrier, à ce que les esclaves appellent un «marchand d’âmes». J’ai su par la suite que M. Walker avait offert un bon prix pour m’acquérir mais que mon maître avait refusé de me vendre, sans doute parce que nous étions parents. En entrant au service de M. Walker, je compris que mes chances d’atteindre une terre de liberté s’évanouissaient, du moins pour un temps. Il tenait un groupe d’esclaves prêts à partir pour La Nouvelle-Orléans et nous embarquâmes quelques jours plus tard. Les mots me manquent pour exprimer les sentiments éprouvés ce jour-là. Lire la suite…

Moses Grandy : Jeunes mariés

« Peu de temps après, j’ai épousé une esclave appartenant à M. Enoch Sawyer, le maître qui s’était montré si sévère avec moi. Un jeudi matin, alors que nous étions mariés depuis environ huit mois, je l’ai quittée chez elle (c’est-à-dire dans la maison de son maître). Elle se portait bien et semblait heureuse : nous réunissions peu à peu les petites choses dont nous avions besoin. Le vendredi, tandis que je m’occupais, comme d’habitude, des bateaux, j’entendis un bruit derrière moi, sur la route qui longe le canal : en me retournant, je vis une chaîne d’esclaves. Lorsqu’ils furent à ma hauteur, l’un d’eux s’écria « Moses, mon chéri ! » Lire la suite…

Charles Ball : Vendu à quatre ans

« Mon grand-père a été amené d’Afrique et vendu comme esclave dans le comté de Calvert, Maryland, vers 1730. Je n’ai jamais su le nom du bateau sur lequel il avait été importé, ni le nom du planteur qui l’avait acheté à son arrivée mais, dans mon enfance, il était esclave dans une famille nommée Mauel, qui habitait près de Leonardtown. Mon père était esclave chez les Hantz, qui vivaient près de là. Ma mère était l’esclave d’un planteur de tabac, un vieil homme qui mourut, pour autant que je me souvienne, lorsque j’avais environ quatre ans, laissant ses biens dans une situation qui rendait nécessaire, je suppose, d’en vendre une partie pour payer ses dettes. Peu après sa mort, plusieurs de ses esclaves furent vendus aux enchères. J’en faisais partie. Ma mère avait plusieurs enfants, mes frères et sœurs, et nous fûmes tous vendus le même jour à différents acheteurs. Lire la suite…

Frederick Douglass : Je n’ai qu’une vie à perdre

« S’il est une période de ma vie, entre toutes, où je fus contraint de boire jusqu’à la lie la coupe amère de l’esclavage, ce fut durant les six premiers mois de mon séjour chez M. Covey. Nous devions travailler par tous les temps. Il ne faisait jamais trop chaud ni trop froid ; il ne pleuvait, ventait, grêlait, neigeait jamais assez pour nous empêcher de travailler dans les champs. Travailler, travailler, travailler était à peine plus l’ordre du jour que de la nuit. Les journées les plus longues étaient trop courtes pour lui et les nuits les plus courtes trop longues. Si j’étais quelque peu indocile à mon arrivée, cette discipline me dompta en quelques mois. M. Covey réussit à me briser. Il brisa mon corps, mon âme et mon esprit. Lire la suite…

Moses Grandy : Dans les champs de maïs

« La trompe sonnait au lever du soleil ; les gens de couleur devaient alors se rendre aux champs à pied, suivis du commandeur à cheval. Il fallait travailler jusqu’à midi, même durant les longues journées d’été, avant de pouvoir manger un peu ; hommes, femmes et enfants, tous étaient traités de la même façon. À midi, la charrette apportait notre petit-déjeuner. Il était posé par terre, sur de grands plateaux. Il y avait du pain, dont chacun recevait un morceau, du maïs broyé et bouilli et, en outre, deux harengs pour chacun des hommes et des femmes et un seul pour chacun des enfants. Nous buvions l’eau des fossés, quel que fût son état ; si les fossés étaient secs, des garçons nous apportaient de l’eau. Le poisson salé nous donnait toujours soif mais nous ne recevions pas d’autre boisson. Lire la suite…

William Grimes : Cauchemars et sorcellerie

« Mon maître avait une vieille esclave qu’il appelait Frankee. J’ai toujours pensé que c’était une sorcière : j’évoquerai bientôt les faits qui le prouvent. Pendant un temps, plusieurs charpentiers travaillaient dans la cour. L’un d’eux avait à peu près ma taille et me ressemblait beaucoup car il portait une veste bleue. Un matin, il vint travailler dans la cour muni d’un parapluie. La vieille femme le vit arriver et, pensant que c’était moi ou feignant de le croire, me valut d’être sévèrement fouetté. Voici pourquoi. Lire la suite…

Henry Bibb : Un insatiable désir de liberté

« Je suis né en mai 1815, propriété de M. David White, d’une mère esclave, dans le comté de Shelby dans le Kentucky. White était entré en possession de ma mère longtemps avant ma naissance. J’ai grandi dans les comtés de Shelby, Henry, Oldham et Trimble, ou, plus précisément, j’y ai grandi à coups de fouet ; car au lieu d’une instruction morale, intellectuelle et religieuse, j’ai reçu d’innombrables coups de fouet qui visaient à me dégrader et à me maintenir dans un état de subordination. Je peux affirmer sans mentir que j’ai bu abondamment à la coupe amère de la souffrance et de la misère. J’ai été abaissé jusqu’aux bas-fonds de la déchéance et du malheur humains. Lire la suite…

William Craft : Un plan de fuite très audacieux

« Ma femme avait été arrachée à sa mère dès son plus jeune âge et emmenée très loin. Elle avait vu tant d’enfants séparés de leur mère de cette manière cruelle que la simple idée de devenir mère à son tour et de mener une vie misérable jusqu’à sa mort dans le système damné de l’esclavage américain emplissait son âme d’horreur ; et comme je trouvais qu’elle se faisait une idée juste de sa condition, je n’ai d’abord pas insisté pour qu’elle m’épouse mais ai accepté de l’aider à concevoir un plan qui nous permettrait de fuir et de nous marier ensuite. Lire la suite…

John Brown : Cobaye médical

« J’avais passé quatorze ans chez Stevens et souffert continuellement de ses mauvais traitements, lorsqu’il tomba malade. J’ignore ce dont il souffrait. Ce devait être grave puisqu’on fit appel, pour le soigner, à un certain docteur Hamilton, fort renommé, du comté de Jones. Il guérit Stevens qui, de joie, lui promit de lui accorder ce qu’il voudrait. Il se trouve que ce docteur avait mené de nombreuses expériences pour découvrir les meilleurs remèdes contre l’insolation. Robuste comme je l’étais, je faisais, semble-t-il, un très bon sujet d’expérience. C’est du moins ce que jugea le docteur Hamilton qui demanda si je pouvais lui être prêté. Stevens accepta aussitôt, sans se soucier un instant de ce qui allait m’arriver. Je l’ignorais aussi. Lire la suite…

Moses Grandy : Esclaves terrassiers

« Ce McPherson dirigeait des esclaves recrutés pour creuser des canaux. C’est un travail très rude. Le sol est souvent marécageux, si bien que les nègres sont enfoncés dans la boue et l’eau jusqu’à la taille voire beaucoup plus, pour couper les racines et écoper la boue ; tant qu’ils peuvent garder la tête hors de l’eau, ils travaillent. Ils habitent dans des huttes, qu’on appelle « camps », faites de bardeaux ou de planches. Ils dorment sur la boue qui leur colle au corps et font de grands feux pour se sécher et lutter contre le froid. Ils n’ont droit à aucune literie et ne peuvent obtenir une couverture qu’en travaillant en plus. Lire la suite…

Frederick Douglass : Lecture et liberté

« Très peu de temps après mon arrivée chez M. et Mme Auld, cette dernière entreprit très aimablement de m’enseigner l’alphabet. Après quoi, elle m’apprit à épeler des mots de trois ou quatre lettres. J’en étais là de mes progrès lorsque M. Auld découvrit ce qui se passait et interdit sur le champ à Mme Auld de m’instruire davantage en affirmant notamment qu’il était illégal et dangereux d’apprendre à lire à un esclave. Il ajouta ces mots que je cite : « Donnez-en long comme le doigt à un nègre, il en voudra long comme le bras. La seule chose qu’un nègre doit savoir c’est obéir à son maître – faire ce qu’on lui dit de faire. L’instruction gâterait le meilleur nègre du monde. Si vous apprenez à lire à ce nègre (il parlait de moi), il ne sera pas possible de le garder. Cela le rendrait pour toujours inapte à l’esclavage. Lire la suite…

Henry Bibb : A vendre

« En arrivant à Vicksburg, Garrison avait l’intention de vendre une partie de ses esclaves et il s’y arrêta trois semaines à cette fin. Sans grand succès.

Il nous fallut subir un examen, ou une inspection, mené par un agent municipal chargé de contrôler les lots d’esclaves que l’on venait vendre à ce marché. Il observa notre dos pour voir si le fouet nous avait beaucoup marqués. Il examina nos membres, pour évaluer si nous étions de qualité inférieure.

Comme il est difficile de déterminer l’âge d’un esclave, on lui ouvre la bouche pour examiner ses dents et on lui pince le dos de la main ; s’il est très âgé, le pli de peau reste dressé quelques secondes. Lire la suite…

Solomon Northup : Le travail sur une plantation de coton

« La saison de la récolte du coton commence à la fin du mois d’août. Chaque esclave reçoit un sac muni d’une sangle qu’il passe autour de son cou, de sorte que l’ouverture du sac lui arrive à la poitrine, tandis que le fond touche presque terre. Chacun reçoit aussi un grand panier d’une capacité d’environ deux barils où il déverse le coton quand le sac est plein. Les paniers sont emportés dans les champs et placés au début de chaque rangée.

La première fois qu’un nouvel esclave inexpérimenté est envoyé dans les champs, il est fouetté sans relâche et pressé de travailler le plus vite possible. Le soir, on pèse sa récolte pour connaître sa capacité de cueillette. Il devra rapporter le même poids de coton toutes les nuits. S’il y manque, on considère que c’est la preuve qu’il a traîné et il reçoit un nombre variable de coups de fouet en guise de punition.

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Josiah Henson : Fuite en famille

« Je n’ai élaboré un plan de fuite qu’après avoir longuement réfléchi ; lorsque je fus vraiment décidé, je fis part de mes intentions à ma femme, qui, d’abord trop terrifiée par les dangers d’une telle entreprise, s’efforça de me dissuader en me conjurant d’accepter ma condition. Je lui expliquai, en vain, le risque que nous courions d’être séparés de nos enfants ou l’un de l’autre ; je lui présentai toutes les raisons qui avaient pesé sur mon choix et fini par me décider. Elle n’avait pas subi les mêmes épreuves que moi et sa timidité féminine l’emportait sur le sentiment des maux qu’elle avait endurés. Je retournai la question avec elle plusieurs fois et compris que le raisonnement ne suffirait pas. Lire la suite…

William Wells Brown : Un esclave rebelle

« Mon maître, en bon démagogue, trouva vite des électeurs en échange de quelques faveurs et peu après son arrivée dans le Missouri il remporta un siège aux élections législatives. En son absence, M. Cook, le commandeur, dirigea la plantation et ne tarda pas à se montrer plus tyrannique et cruel. L’un des esclaves s’appelait Randall. C’était un homme d’un mètre quatre-vingts environ, bien bâti, connu pour sa force et sa puissance. Il était considéré comme l’esclave le plus précieux et le plus apte de la plantation ; mais aussi précieux et utile soit-il, un esclave échappe rarement au fouet. Randall était différent cependant. Aussi loin que je me souvienne, il avait toujours été là et je n’avais jamais entendu raconter qu’il avait subi le fouet. Le maître et le commandeur n’y étaient pour rien. Randall affirmait souvent qu’il ne se laisserait jamais fouetter par un Blanc, qu’il préférait mourir. Lire la suite…

Moses Grandy : Dispersion d’une famille

« Parmi mes enfants, six autres, trois garçons et trois filles, ont été vendus à La Nouvelle-Orléans. Deux des filles ont pu acheter leur liberté. L’aînée, Catherine, a été vendue trois fois depuis qu’elle a quitté la Virginie. La première, aux enchères. Son avant-dernier maître était un Français : elle travaillait dans ses champs de canne à sucre et de coton. Un second Français cherchait une femme de confiance, pour veiller sur son épouse phtisique. Le premier lui proposa ma fille ; ils allèrent la voir dans les champs et l’affaire fut conclue. Son nouveau maître en fit don à son épouse malade et ma fille veilla sur elle jusqu’à sa mort. Comme elle s’était parfaitement occupée de sa femme, le maître lui offrit une chance d’acheter sa liberté. Lire la suite…

Henry Watson : Rites de mariage

« On a beaucoup parlé des rites de mariage des esclaves, mais il n’en existe aucune forme légale : chaque propriétaire d’esclaves a les siens. Permettez-moi donc d’exposer à mes lecteurs la manière dont mon maître pratiquait cette cérémonie. Chaque fois qu’une place était libérée dans l’une des cabanes par un homme ou une femme en âge d’être marié, il achetait aussitôt un ou une esclave, selon les cas, pour la remplir, et présentait le nouveau venu aux autres occupants par ces mots : « Kitty, avance-toi ; j’ai acheté aujourd’hui ce garçon qui sera ton mari et je veux que tu prennes bien soin de lui, que tu laves et reprises ses habits. Tu connais les ordres que j’ai donnés au commandeur ; si l’un de vous va aux champs le lundi matin avec des vêtements sales, vous serez fouettés. Tu devras aussi t’occuper de ses provisions, qui seront pesées avec les tiennes. Il faudra cuire son repas et le mettre dans son seau avant qu’il parte aux champs chaque matin. Tu comprends bien ce que je t’ai dit ? » Lire la suite…

Lewis Garrard Clarke : Sévices

« La famille comptait plusieurs enfants et ma tâche principale était de les servir. Un autre jeune esclave et moi-même devions souvent veiller toute la nuit à tour de rôle pour balancer le berceau d’un de ces rejetons esclavagistes grincheux. Si le mouvement cessait, dès qu’ils se réveillaient, ils prévenaient père ou mère par leurs cris que Lewis s’était endormi. La mère répondait à ces petits tyrans en leur suggérant de se lever, d’aller chercher le fouet et de fouetter sans retenue ce coquin de bon à rien. Voilà à quoi s’adonnaient des enfants de dix ou douze ans à minuit. Que pouvait-on attendre d’eux adultes ? Lire la suite…

Moses Roper : Un enfant trop blanc

« Je suis né en Caroline du Nord, dans le comté de Caswell, mais je ne peux préciser ni l’année ni le mois. Ce que je vais maintenant relater est ce que m’ont rapporté ma mère et ma grand-mère. Quelques mois avant ma naissance, mon père, M. Roper, avait épousé la jeune femme qui possédait ma mère. Dès qu’elle apprit ma naissance, cette femme envoya l’une des sœurs de ma mère vérifier si j’étais blanc ou noir. Après m’avoir observé, ma tante courut informer sa maîtresse que j’étais blanc et que je ressemblais beaucoup à M. Roper. Dépitée, l’épouse se saisit d’un gros gourdin et d’un couteau et se précipita là où ma mère était confinée. Elle avait l’intention de me tuer en entrant mais, au moment où elle s’apprêtait à me poignarder, ma grand-mère arriva, s’empara du couteau et me sauva la vie. Si je me souviens bien des récits de ma mère, mon père nous vendit tous les deux dès qu’elle fut remise de ses couches. Lire la suite…

Henry « Box » Brown : Dieu est mon maître

« Je pensais vraiment que mon vieux maître était le Seigneur tout-puissant et que son fils, mon jeune maître, était Jésus-Christ.

Cette croyance venait en partie de ce que lorsque le tonnerre allait retentir, mon vieux maître s’approchait de nous, si nous étions dans la cour, et nous disait : « Que tous les enfants se réfugient dans la maison tout de suite car il va tonner » ; l’ondée passée, nous ressortions et il s’approchait en souriant et disait : « Quelle belle ondée !» puis, nous invitant à regarder les fleurs du jardin: « Comme les fleurs sont belles maintenant ». Nous pensions que c’était lui qui tonnait et qui faisait pleuvoir ; ce n’est qu’à l’âge de huit ans que je me suis débarrassé de cette superstition enfantine. Notre maître était d’une bonté peu commune et la noblesse de son allure nous le faisait prendre pour un dieu ; il est d’ailleurs probable que notre révérence ne lui déplaisait pas. Tous les esclaves appelaient son fils « Notre Sauveur » et voici comment je fus éclairé sur ce point. Lire la suite…