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John Brown : Une alarme anti-évasion

25/08/2011

« Pour m’empêcher de fuir à nouveau, Stevens m’accrocha des cloches et des cornes métalliques sur la tête. Cette punition n’a rien d’exceptionnel. J’ai vu de nombreux esclaves coiffés de la sorte. On leur attache autour du cou un collier de fer, muni d’une charnière à l’arrière, et de pattes et d’un cadenas à l’avant, sous le menton. Un second cercle est placé près du sommet de la tête. Les deux cercles sont fixés par trois tiges de fer. Celles-ci dépassent de trois pieds au-dessus de la tête, comme des cornes, et sont chacune surmontées d’une cloche. Les tiges métalliques et les cloches pèsent au moins douze à quatorze livres. Après avoir fixé cet ornement sur ma tête, Stevens me laissa partir et me dit que je pouvais désormais m’évader si l’envie m’en prenait.

Je fus contraint de porter ces cloches et ces cornes de fer, jour et nuit, pendant trois mois. Je ne pense pas qu’une description du supplice enduré alors puisse en donner la moindre idée, ni permettre de ressentir combien ma tête et mon cou souffraient sous leur poids, notamment lorsque je devais me baisser pour travailler. La nuit, je ne pouvais pas me coucher, parce que les cornes m’empêchaient de m’allonger pour me reposer, et même de me recroqueviller sur moi-même. Il était bien sûr inutile d’essayer de les enlever ou de fuir ainsi, mais je n’abandonnai pas pour autant ma résolution de faire une nouvelle tentative de fuite dès que j’aurais un plan. Pendant ces trois longs mois, je pensai plus souvent et avec plus de détermination à John Glasgow* et à un départ vers l’Angleterre que je ne l’avais jamais fait auparavant. Je recueillais et emmagasinais toutes les bribes d’information que je pouvais apprendre des autres ou par moi-même. Je dissimulai dans un vieux tronc d’arbre un ballot de vêtements, un silex, un morceau d’acier et une corne remplie d’amadou. Mon cas paraissait désespéré, mais je continuais d’espérer avec une ténacité qui me surprend aujourd’hui. C’était une douce consolation ;  sans elle je serais mort. »

John Brown, Slave Life in Georgia : A Narrative of the Life, Sufferings, and Escape of John Brown, a Fugitive Slave, Now in England, Londres, 1855, p. 88-89. Traduction française Hélène Tronc. Tous droits réservés.

* John Glasgow : compagnon d’esclavage de John Brown, qui l’avait soutenu dans des moments de désespoir. Ancien marin originaire de la Guyane britannique, Glasgow avait vécu en Angleterre avant d’être réduit en esclavage.

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